Le GRECO (Groupement de Recherche et d’Etudes en Chirurgie Robotisée), qui fête son 5ème anniversaire, prépare la chirurgie de demain, comme nous l’explique son directeur Richard Gouron, chirurgien orthopédiste pédiatrique, qu’il a cofondé avec les ses collègues professeurs Michel Lefranc et François Derroussen, L’occasion d’évoquee l’ambition de cet institut fédératif pionnier rattaché à l’Université de Picardie Jules Verne: créer un pôle scientifique d’excellence international dédié au développement de la chirurgie de demain issue de technologies innovantes, via l’assistance robotisée au bloc opératoire. Et de nous présenter le centre de pédagogie active SimuSanté dont l’objectif vise à simuler entièrement une opération dans des conditions très proches de la réalité et permettant de paramétrer le robot
Le GRECO fêtera le 19 décembre prochain son 5ème anniversaire. Quelle est l’actualité de votre institut ?
Le GRECO se veut plus que jamais une structure entièrement dédiée à la recherche dans le domaine de la robotique chirurgicale. Nous tenons ainsi beaucoup à notre salle miroir, à savoir un bloc simulé identique au bloc opératoire de soin, pour une application rapide en santé des outils et procédés créés, mais aussi pour accélérer le transfert de technologie. Nous travaillons avec Quantum Surgical. Le GRECO est le seul centre à disposer de deux robots dont un en simulation.
Un de nos objectifs est d’aider les industriels de robotique et d’IA chirurgicale à accélérer leur processus de validation. Nous l’avions fait il y a quelques années avec Medtech et le robot Rosa, et nous accompagnons actuellement eCential Robotics, la société de Stéphane Lavallée, dont un des robots n’est pas commercialisé en Europe car il n’a pas encore de marquage CE alors qu’il a déjà obtenu celui de la Food and Drug Administration (FDA) américaine.
Notre rôle consiste l’aider à l’obtenir.
De quelle façon précisément ?
Nous intervenons avec le centre de simulation sur des mannequins, des jumeaux physiques ou parfois des jumeaux numériques. Nous validons auprès de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) et des comités d’éthique la possibilité de l’utiliser chez l’homme sans marquage au titre de la recherche. Puis d’opérer des patients qui vont générer des datas qu’ensuite les industriels vont pouvoir utiliser pour obtenir le marquage CE, et ensuite l’autorisation de distribution en Europe. C’est exactement ce que nous faisons avec eCential Robotics en ce moment.
Lors du NASS (North American Spine Society) à Chicago en octobre dernier, des industriels sino-canadiens sont venus nous chercher pour pouvoir expérimenter un futur robot très innovant. Je ne peux pas encore vous en dire beaucoup, mais cela va bien au-delà de tous les robots qu’on connait jusqu’à aujourd’hui. Nous avions baptisé de manière un peu chauvine à Amiens ce processus d’innovation en simulation PICAR. Pour Process to Innovate in Care Assisted by Robots.
Jusqu’à présent, c’est le GRECO universitaire qui le gérait, un peu en fonction de nos obligations qui sont nombreuses, étant tous praticiens hospitalo-universitaires, ce qui n’est jamais simple. C’est la raison pour laquelle nous avons répondu récemment à l’appel à projets « Tiers-Lieux d’Expérimentation » France 2030. La première vague a été lancée en 2022, et vise à répondre au manque de terrains d’expérimentation pour la filière du numérique en santé. Le résultat devrait être rendu public début décembre.
Photo: tests sur impression 3D du robot eCential © GRECO
Quel est l’enjeu pour le GRECO de cet appel d’offres ?
L’enjeu est de pouvoir proposer un vrai tiers lieu d’expérimentation en robotique, en IA et en santé numérique. Nous l’avons baptisé GRECO EXPER. Notre idée est de concevoir une structure beaucoup plus professionnelle. Portée cette fois-ci, non plus par l’Université, mais par le CHU d’Amiens. Avec un consortium de 5 membres. Dont la SATT Nord, l’Université, le MIPIH, Innov’a et la Compagnie des Tiers Lieux qui nous accompagnent pour fonder ce tiers-lieu. Celui-ci sera une sorte de guichet unique. Sur lequel l’industriel pourra venir chercher les validations, la méthodologie et l’expérimentation. Afin de pouvoir valider les process de cette façon. Cela peut concerner la robotique, mais aussi simplement une brique logicielle avec de l’IA qu’on va venir rajouter sur un robot.
Quelle est aujourd’hui la place de l’IA dans vos travaux ?
Une chose est sûre : aujourd’hui, il faut aller chercher l’innovation plus uniquement dans la cobotique telle qu’on la connait mais dans l’accélération du fonctionnement de la robotique mélangée à l’IA. En d’autres termes, comment l’IA peut accélérer la planification que l’on fait encore aujourd’hui manuellement, même en présence d’un robot. En d’autres termes, j’ai beau opérer avec un robot en raison de sa précision, c’est moi qui indique, sur une planification préopératoire ou un scanner, l’endroit où je dois mettre ma vis. La seule façon d’accélérer ce processus et de rendre cette partie plus pertinente ce qui passe par le recours à l’IA. Pour avoir une trajectoire par exemple, c’est une brique qui peut tout à fait être installée dans un logiciel, et le robot va faire le geste. Et puis après, on pourra aller vers des robots complètement automatisés qui sont plus que des cobots.
Justement, quel regard portez-vous sur ce que sera votre métier demain ?
C’est sans doute l’avenir. On franchirait alors cet écueil, cette peur qu’ont tous les chirurgiens de libérer complètement le robot. Et de perdre une partie du contrôle. Dans l’industrie automobile, on s’en est affranchi depuis longtemps. Dans le domaine de la chirurgie, cela reste encore un frein chez un certain nombre de professionnels. On commence à y arriver. Et c’est d’ailleurs assez bluffant quand on voit ce type de robot travailler. Reste que la médecine, ce n’est pas non plus comme l’industrie automobile. Nous avons avant tout un lien humain, un contrat de confiance avec nos patients. Ceux-ci viennent voir un chirurgien non pas parce qu’il a un robot. Mais parce qu’ ils veulent que ce soit lui qui opère. En raison de sa réputation. Mais ce lien très particulier médecin-malade, la robotique pourrait à terme le faire disparaître.
Propos recueillis par Eric Bonnet
Institut unique en son genre qui révolutionne les pratiques chirurgicales grâce à des robots outils, le GRECO a déjà participé à 8 premières mondiales. Notamment dans le domaine de la restauration d’une audition ou d’un genou. Et 1 première européenne. Ce qui est sans équivalent au niveau mondial. Il se veut avant tout un projet, une vision, une philosophie. Celle de participer grâce à l’outil robotique à l’amélioration du quotidien des patients. Et de leur parcours de soins.
L’institut GRECO approche les « outils robots » comme des plateformes aux capacités multiples. Et se donne l’objectif de créer sur celles-ci de nouvelles applications répondant à un besoin clinique. En intégrant les contraintes médico-économiques dans la réalisation et la structuration des projets de recherche. Son ambition : couvrir toutes les disciplines chirurgicales de manière transversale. Avec tous types de robot chirurgicaux ou interventionnels (v. les entretiens avec Michel Lefranc, in Planète Robots n°63, juin-août 2020 et n°74, juillet-août 2022).
Le GRECO prépare la chirurgie de demain, article paru in Planète Robots n°88, nov. déc. 2024, p.79