Dans un article publié au sein de la revue AI & Society et intitulé “Can we wrong a robot ?”, la bioéthicienne américaine Nancy Jecker interroge notre rapport aux robots compagnons. Elle soutient que nous pouvons “heurter” les robots, et plaide pour reconsidérer ces rapports.
Les robots compagnons, un vide éthique et juridique
Si le propriétaire d’un robot-compagnon frappe celui-ci dans un mouvement d’humeur, est-il par là-même coupable de mauvais traitement ? Une bioéthicienne américaine soutient qu’il s’agit là d’un sujet de préoccupation auquel les sociétés se doivent de répondre. En particulier dans le cadre de l’usage toujours grandissant des robots compagnons au sein des services et des foyers.
Nancy Jecker, bioéthicienne à la faculté de médecine de l’Université de Washington, est l’auteure d’un article récemment publié dans la revue AI & Society. Elle pose la question suivante : “Pouvons-nous nous heurter les robots ?” – et soutient que la réponse est “oui”. “Je pense que nous devons remettre en question l’hypothèse selon laquelle les robots sont simplement des machines destinées à nous servir”, déclare ainsi Nancy Jecker.
Les robots : de simples outils ?
Selon la chercheuse, “les fabricants construisent de plus en plus de robots compagnons sous des formes familières aux humains. Leur conception réplique de formes douces, palpables et reconnaissables. Ils émettent de surcroît des réponses qui miment une certaine intelligence émotionnelle”. Elle conclut : “nous les concevons de la sorte pour que les humains puissent former des liens. Nous devrions donc être tout aussi réfléchis et délibérés dans la façon dont nous nous comportons envers les robots compagnons.”
Les sociétés occidentales contemporaines ont tendance à considérer les robots comme des outils, qui ne fonctionnent que pour aider à atteindre des fins humaines, indique l’essai. Certains robots correspondent à cette description, reconnait Jecker. Ainsi de ceux que les ouvriers des chaînes de montage utilisent depuis des décennies, ou des inventions plus récentes telles que les aspirateurs domestiques autonomes. Jecker note cependant, au sein de sociétés vieillissantes, que les robots aident de plus en plus à combler des vides affectifs.
Valoriser le rapport homme-robot
“Les groupes sociaux de base deviennent plus petits et les individus sont plus susceptibles d’être seuls à mesure qu’ils vieillissent. Il y a donc une pénurie de main-d’œuvre pour s’occuper des seniors. Je pense aux établissements de soins infirmiers qualifiés et aux établissements de soins de longue durée. Les robots exploités dans ces cadres peuvent guider les personnes âgées dans des exercices de mouvement, lire des histoires, jouer à des jeux interactifs, et même offrir une proximité émotionnelle.”
Les androïdes et les robots compagnons ne font que mimer de traits intrinsèques tels que la conscience et la créativité. Ils ne font dès lors preuve d’aucune particularité qui oblige les humains à être plus respectueux. Mais Jecker émet l’hypothèse que l’entretien de relations saines avec les robots compagnons a des vertus pédagogiques. Selon l’auteure, cela justifie en soi de traiter les robots avec respect, en tant que contributeurs à des relations valorisées.
“Si la pensée occidentale reste enfermée dans le fait de ne voir dans les robots compagnons que des outils ou des esclaves, nous nous rendons un mauvais service. Nous nous fermons à la possibilité de nouer des relations sociales valorisées avec eux”, a-t-elle déclaré.
(c) Blue Frog Robotics